Le 4 avril 2025, un moment inattendu est venu bouleverser la célébration du 50ᵉ anniversaire de Microsoft. Lors d’une conférence dirigée par Mustafa Suleyman, PDG de Microsoft AI, une ingénieure marocaine, Ibtihal Aboussad, a interrompu la présentation pour dénoncer publiquement l’implication de l’entreprise dans le conflit en cours à Gaza. Ce geste fort, relayé en masse sur les réseaux sociaux, a rapidement propulsé son nom au centre des discussions sur l’éthique technologique et la responsabilité des grandes entreprises dans les conflits internationaux.
Un geste inattendu mais calculé
Alors que Mustafa Suleyman présentait les dernières avancées de l’assistant IA “Copilot”, Ibtihal Aboussad s’est levée parmi les spectateurs et s’est approchée de la scène en interpellant directement le dirigeant :
« Honte à vous Mustapha ! Vous prétendez vous soucier du bien commun, mais Microsoft vend des technologies à l’armée israélienne. Vous contribuez en cela au génocide. Cinquante mille personnes sont mortes à Gaza. Comment osez-vous célébrer un anniversaire pendant que Microsoft tue des enfants ? »
Sa déclaration, marquée par l’émotion et la fermeté, a immédiatement attiré l’attention du public et des médias présents. La scène a été filmée, diffusée en direct sur plusieurs canaux et largement partagée sur les réseaux sociaux. Avant d’être escortée hors de la salle, l’ingénieure a jeté un keffieh – symbole de solidarité avec
le peuple palestinien – sur l’estrade. Une image forte qui a marqué les esprits.
Contexte géopolitique et technologique
Le geste d’Ibtihal Aboussad s’inscrit dans un contexte tendu. Depuis plusieurs mois, de nombreuses ONG
et médias indépendants dénoncent l’usage de technologies d’intelligence artificielle dans les opérations militaires israéliennes. En février dernier, une enquête de l’agence Associated Press révélait que des systèmes d’IA fournis par Microsoft et OpenAI avaient été utilisés pour identifier des cibles à Gaza et au Liban, parfois avec des résultats tragiques.
Le journal israélien +972 Magazine avait de son côté dévoilé l’implication profonde de Microsoft dans l’infrastructure technologique militaire israélienne. Des documents internes du ministère de la Défense israélien indiquaient que Microsoft aurait une « empreinte dans toutes les principales infrastructures militaires » du pays. Ces révélations ont relancé le débat sur l’éthique des technologies développées par les géants de la Silicon Valley et leur rôle dans des contextes de guerre.
La réaction de Microsoft
Suite à l’intervention d’Ibtihal Aboussad, l’entreprise a rapidement pris des mesures : elle a bloqué les accès professionnels de l’ingénieure ainsi que ceux d’un autre employé, Vaniya Agrawal, qui avait lui aussi protesté lors d’un autre événement pendant la journée. Selon l’agence AP, cela s’apparente à un licenciement immédiat, bien que l’entreprise n’ait pas encore confirmé cette décision de manière formelle.
Dans un communiqué officiel, Microsoft a déclaré :
« Nous offrons de nombreuses possibilités pour que chacun puisse s’exprimer. Il est cependant important que cela se fasse de manière à ne pas perturber nos activités. Si cela se produit, nous nous réservons le droit de demander aux participants de quitter les lieux. Nous restons engagés à respecter les normes éthiques les plus élevées dans nos pratiques commerciales. »
Cette réponse, jugée floue par certains, n’a pas suffi à calmer les critiques. Plusieurs anciens employés
et observateurs dénoncent une culture de silence imposée à l’intérieur même de l’entreprise.
Une onde de choc dans le monde de la tech
La prise de parole d’Ibtihal Aboussad a trouvé un écho considérable auprès de nombreux acteurs du secteur technologique. Depuis quelques années, les employés de grandes entreprises tech, comme Google, Amazon ou Meta, expriment de plus en plus ouvertement leurs désaccords face à certaines décisions stratégiques, notamment en matière de contrats militaires ou gouvernementaux.
En février dernier, cinq employés de Microsoft avaient déjà été expulsés d’une réunion avec le PDG Satya Nadella pour des raisons similaires. Ces dissensions internes montrent une fracture croissante entre les directions des entreprises et leurs salariés, souvent plus sensibles aux questions éthiques et politiques.
Ibtihal Aboussad, symbole d’une nouvelle génération engagée
Originaire du Maroc, Ibtihal Aboussad incarne une nouvelle génération de professionnels de la tech engagés
et soucieux des conséquences globales de leur travail. En prenant la parole dans un moment aussi symbolique pour l’entreprise, elle a pris un risque personnel considérable. Au-delà de la possibilité de perdre son emploi, elle s’expose également à des représailles professionnelles dans un secteur où les réseaux sont fortement interconnectés.
Pourtant, son geste a été salué par de nombreux internautes, notamment dans le monde arabe, où elle est désormais perçue comme une figure de résistance et de courage. Le mouvement Hamas lui-même a publiquement salué son acte, le qualifiant de preuve de « courage face à la machine génocidaire israélienne ».
Mais au-delà des éloges ou des critiques, le nom d’Ibtihal Aboussad est aujourd’hui au cœur d’un débat bien plus large : celui de la responsabilité des ingénieurs, développeurs et entreprises dans un monde où
la technologie influence directement les décisions militaires, politiques et sociales.
Un débat nécessaire
Le cas d’Ibtihal Aboussad soulève une question fondamentale : les ingénieurs doivent-ils se taire lorsqu’ils savent que leur travail est utilisé dans des contextes violents ou contraires à leurs convictions éthiques ? Si
la neutralité est souvent attendue dans le monde professionnel, la montée des conflits et la puissance croissante des technologies poussent de plus en plus d’acteurs à sortir de leur silence.
Dans ce contexte, des figures comme Ibtihal Aboussad rappellent que les choix technologiques ne sont jamais neutres. Leur usage peut sauver des vies, mais aussi en coûter. La voix des ingénieurs et employés mérite donc d’être entendue, surtout lorsqu’elle remet en question les liens troubles entre innovation et destruction.
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